21 janvier
Patricia m'apprend que le voyage au Japon du théâtre Zingaro va être en grande partie pris en charge par Hermès. Je suis d'abord étonné. Ensuite convaincu. Hermès et Bartabas. On dirait un couple jailli d'une lointaine, inédite et fascinante mythologie. Leurs noms accolés, à la sonorité sifflante et musicale, faont rêver. Ils semblent inaccessibles. Difficile de savoir s'ils sont de là-haut ou d'ici-bas. Dans nos songes cavaliers, ils accompagnent les vaoyageurs de l'absolu, veillent sur de pieux pèlerinages, guident vers un monde emilleur, plus harmonieux et moins laid.
Il faut pourtant reconnaître que, loin de l'Olympe où notre imagination gambade, leur rencontre était très improbable. On voit mal, en effet, le gitan mal rasé et bougonnant d'Aubervilliers, les boots couverts de paille, vaire son shopping au milieu des élégantes dans l'illustre maison de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. S'il est même une idée à laquelle Bartabas n'a jamais sacrifié, qui qui a été successivement attiré par la violence guerrière, la folie baroque, l'humour festif de cabaret, la sagesse indienne, la douceur japonaise, la paix tibétaine, et toujours tenté par la pauvreté des gens du voyage, c'est bien le luxe. Les biens matériels l'indiffèrent. S'il dépense, c'est seulement pour son théâtre et sa troupe. S'il n'est pas riche de ce qu'il achète, il est riche de ce qu'il donne. Sans compter. Jamais.
Mais ce qui, en apparence, oppose Hermès et Bartabas est beaucoup moins fort que ce qui, en profondeur, les unit: l'amour du cheval, la passion de la tradition, le goût de l'artisanat et le farouche désir de ne ressembler à personne. Il faut avoir vu l'écuyer de Zingaro caresser, comme si c'était une peau de femme, le cuir noir de selle - une selle unique, d'un seul morceau, en forme de chauve-souris ou d'avion furtif, une selle de Pégase que Jean-Louis Dumas, le président d'Hermès, lui a offerte - pour comprendre le secret de cette entente. Elle repose sur la conviction qu'il faut laisser du temps au temps, que la beauté est immémoriale, que la main de l'homme est une artiste incomparable et que nul ne saurait être visionnaire s'il n'a pas hérité du plus lointain passé.
Rien, d'ailleurs, ne ressemble plus à l'atelier de sellerie d'Hermès que l'atelier de costumes de Zingaro. On y travaille la matière avec la même méticulosité et la même ferveur. On emprunte aux anciens pour imaginer l'esthétique de demain. On travaille sans répis à la perfection. On oeuvre dans l'ombre pour la lumière. Mieux que quiconque, Bartabas sait que la maison Hermès est née au début du XIX° siècle pour rendre le cheval plus léger et le cavalier, plus juste. Et Jean-Louis Dumas, qui appartient à la cinquième génération de l'illustre famille, sans combien Bartabas incarne à la fois les exigeances de la haute école, les vertus du nomadisme et la splendeur du métissage culturel. C'est la raison pour laquelle Hermès a accompagné Chimère à New-York et Loungta à Moscou: sur la piste de l'aéroport, on aurait cru entendre les mots du poète bordelais Jean de La Ville de Mirmont: "Nous ne savons pas quand nous reviendrons; serons-nous plus fières, plus fous ou plus sages? Qu'importe, puisque nous partons."
Et lorsque le centaure d'Aubervilliers a fondé à Versailles, en 2003, l'Académie du spéctacle équestre, Jean-Louis Dumas a offet aux écuyers de monter leurs brillants lusitaniens cremolos avec des selles en cuire de buffle, teinte gold, dessinées par sa maison. Il rêvait en effet d'entendre son beau cuir souple chanter, au rythme des appuyers et des piaffers, sous les fesses de ces princesses dont Louis XIV eût aimé l'allégresse. Il voulait s'accorder avec Bartabas pour que, dans ce haut lieu chargé d'Histoire, l'art équestre se réinvente et se donne en spéctacle.
Patricia m'apprend que le voyage au Japon du théâtre Zingaro va être en grande partie pris en charge par Hermès. Je suis d'abord étonné. Ensuite convaincu. Hermès et Bartabas. On dirait un couple jailli d'une lointaine, inédite et fascinante mythologie. Leurs noms accolés, à la sonorité sifflante et musicale, faont rêver. Ils semblent inaccessibles. Difficile de savoir s'ils sont de là-haut ou d'ici-bas. Dans nos songes cavaliers, ils accompagnent les vaoyageurs de l'absolu, veillent sur de pieux pèlerinages, guident vers un monde emilleur, plus harmonieux et moins laid.
Il faut pourtant reconnaître que, loin de l'Olympe où notre imagination gambade, leur rencontre était très improbable. On voit mal, en effet, le gitan mal rasé et bougonnant d'Aubervilliers, les boots couverts de paille, vaire son shopping au milieu des élégantes dans l'illustre maison de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. S'il est même une idée à laquelle Bartabas n'a jamais sacrifié, qui qui a été successivement attiré par la violence guerrière, la folie baroque, l'humour festif de cabaret, la sagesse indienne, la douceur japonaise, la paix tibétaine, et toujours tenté par la pauvreté des gens du voyage, c'est bien le luxe. Les biens matériels l'indiffèrent. S'il dépense, c'est seulement pour son théâtre et sa troupe. S'il n'est pas riche de ce qu'il achète, il est riche de ce qu'il donne. Sans compter. Jamais.
Mais ce qui, en apparence, oppose Hermès et Bartabas est beaucoup moins fort que ce qui, en profondeur, les unit: l'amour du cheval, la passion de la tradition, le goût de l'artisanat et le farouche désir de ne ressembler à personne. Il faut avoir vu l'écuyer de Zingaro caresser, comme si c'était une peau de femme, le cuir noir de selle - une selle unique, d'un seul morceau, en forme de chauve-souris ou d'avion furtif, une selle de Pégase que Jean-Louis Dumas, le président d'Hermès, lui a offerte - pour comprendre le secret de cette entente. Elle repose sur la conviction qu'il faut laisser du temps au temps, que la beauté est immémoriale, que la main de l'homme est une artiste incomparable et que nul ne saurait être visionnaire s'il n'a pas hérité du plus lointain passé.
Rien, d'ailleurs, ne ressemble plus à l'atelier de sellerie d'Hermès que l'atelier de costumes de Zingaro. On y travaille la matière avec la même méticulosité et la même ferveur. On emprunte aux anciens pour imaginer l'esthétique de demain. On travaille sans répis à la perfection. On oeuvre dans l'ombre pour la lumière. Mieux que quiconque, Bartabas sait que la maison Hermès est née au début du XIX° siècle pour rendre le cheval plus léger et le cavalier, plus juste. Et Jean-Louis Dumas, qui appartient à la cinquième génération de l'illustre famille, sans combien Bartabas incarne à la fois les exigeances de la haute école, les vertus du nomadisme et la splendeur du métissage culturel. C'est la raison pour laquelle Hermès a accompagné Chimère à New-York et Loungta à Moscou: sur la piste de l'aéroport, on aurait cru entendre les mots du poète bordelais Jean de La Ville de Mirmont: "Nous ne savons pas quand nous reviendrons; serons-nous plus fières, plus fous ou plus sages? Qu'importe, puisque nous partons."
Et lorsque le centaure d'Aubervilliers a fondé à Versailles, en 2003, l'Académie du spéctacle équestre, Jean-Louis Dumas a offet aux écuyers de monter leurs brillants lusitaniens cremolos avec des selles en cuire de buffle, teinte gold, dessinées par sa maison. Il rêvait en effet d'entendre son beau cuir souple chanter, au rythme des appuyers et des piaffers, sous les fesses de ces princesses dont Louis XIV eût aimé l'allégresse. Il voulait s'accorder avec Bartabas pour que, dans ce haut lieu chargé d'Histoire, l'art équestre se réinvente et se donne en spéctacle.
Jérôme Garcin - Cavalier seul